Nomura Kotarô

Il ne l'avait pas vu venir. Pourtant, il aurait dû s'en douter après ce qui lui était arrivé durant le lycée. Néanmoins, cela n'avait été que de petits tracas et on ne s'était pas douté une seule fois que cela puisse donner naissance à... Une maladie. Tumeur du cerveau grade deux, diagnostiqué à l'âge de vingt-neuf ans. Oui, cette nouvelle l'avait dévastée, d'autant plus qu'il avait eu soudainement l'impression de n'avoir rien accompli de sa vie.
Il était le fruit d'une union prohibée ; sa mère avait eu un mariage arrangé avec un noble mais avait fricoté avec l'un des domestiques dont elle était tombée enceinte. Il fut relegué à sa naissance au même rang que son père qui avait été emprisonné à des mille lieux de Kyôto. Sa mère, quant à elle, l'ignorait au possible et pourtant, ce ne fut pas pour cela qu'il la considéra comme mauvaise parce qu'il savait qu'au fond d'elle elle ne regrettait pas de l'avoir mis au monde. Elle le lui prouva un jour où il elle le surprit en train de grignoter dans les réserves. Comme elle le s avait bon dessinateur, elle lui promit de ne rien dire s'il la dessinait.
Mais il n'eut pas le temps de lui remettre en main propre son dessin. On ne voulut plus de lui et on le mit à la rue. Comme ça, un soir d'hiver. Il n'avait qu'onze ans. Il n'était qu'un domestique alors il n'avait rien à quoi se raccrocher. Il vogua à travers le pays et termina à Tôkyô où les premiers jours furent difficiles. Il vola, il se bagarra et il faillit mourir une fois. Puis, on lui tendit la main un jour et, même s'il ne croyait plus en rien, il l'attrapa pour voir le monde sous un autre jour.
Il reprit l'école, alla dans un lycée quelconque, puis entra dans une grande école de stylisme quand il partit tenter sa vie en Corée. Il avait un don pour le dessin et s'étant trouvé passionner par les vêtements - choses qu'il n'avait eu réellement le droit qu'à partir de ses douze ans. Il se rappelait encore de la sensation de nouveaux vêtements remplaçant ceux qu'il avait toujours eu et qui avaient fini en lambeaux. Il voulait créer autant de vêtements que possible pour en vendre... Et offrir aux plus démunis.

Mais que serait-il capable d'offrir avec les années lui restant à vivre ?

guérir de son cancer ; avoir une renommée : pas pour l'argent, juste pour le travail d'artiste qu'il fait ; posséder sa propre boutique pour y entreposer ses créations ; revoir sa mère pour lui offrir ce dessin qu'il n'a jamais pu lui offrir ; aller en Europe où l'art occupe une grande place pour élargir ses horizons ; rencontrer son père ; posséder un jour sa propre batterie ; croire plus fort en ses convictions ; que tous ses désirs les plus fous soient exaucés ; vivre.